Tomas Prieto de la Cal nous a reçus début Juillet dans sa finca de La Ruiza, à une vingtaine de kilomètres de Huelva. Soucieux de préserver l’encaste Veragua dont il est l’un des derniers représentants (lui se considère seul représentant), le ganadero est revenu sur l’histoire de sa ganaderia et sa manière de gérer son élevage à l’ancienne. Une rencontre intéressante !
La ganaderia de Prieto de la Cal :
C’est 850 hectares de campo pour 650 têtes de bétail.
180 mères reproductrices
1 mayoral présent depuis 50 ans.
Comment est née la ganaderia?
Tomas Prieto de la Cal : La ganaderia est née au 18e siècle, en 1755. La ganaderia de Vicente José Vazquez et son père Vicente Vazquez, qui l’ont fondé à Utrera avec un croisement des principales encastes de l’époque, est l’une des ganaderias fondatrices de Prieto de la Cal. On peut considérer que l’une des 4 castes fondatrices est celle-ci, la Veragua.
Aujourd’hui c’est donc Veragua le coeur de la ganaderia?
Bien sûr, aucunes ganaderias dans le monde, ni en Espagne, ni en France, ni au Portugal, ni en Amérique n’ont la même origine que nous. Le mérite de la ganaderia c’est de conserver un sang pur qui aurait disparu depuis longtemps si nous ne l’avions pas préservé.
Comment peut-on rafraîchir le sang s’il n’y a pas d’autres ganaderias Veragua?
On ne peut pas. Nous avons le même problème que d’autres ganaderos comme Miura et quelques autres. Il n’existe pas de ganaderias similaires. Donc pour éviter la consanguinité, il faut jouer avec les différentes familles. Nous avons 27 familles différentes et certaines sont éloignées les unes des autres génétiquement. Il est une possibilité, quand on connait la génétique, delimiter au maximum la consanguinité mais je vis avec, je ne peux pas m’en débarrasser.
Comment se porte la ganaderia de Prieto de la Cal ?
La ganaderia est dans un bon moment mais elle va à contre-courant du système taurin. Ce système demande un toro tranquille, noble, régulier et très prévisible ! Mais mes toros sont imprévisibles ! Ils ne sont pas réguliers, ils ne demandent pas des faenas longues. La tauromachie actuelle va donc à l’inverse de ma ganaderia. Et c’est la même histoire depuis 40 ans mais chaque fois, c’est de plus en plus accentuée avec des faenas très longues, où les tercios de piques n’existent quasiment plus et la seule chose qui intéresse, c’est la muleta du torero. Il n’y a plus de capote et de suerte de matar. Je me déclare antisystème, je n’aime pas la tauromachie actuelle. C’est pareil avec les toros. Il en existe plus que sont lidiés aujourd’hui (ICI La domination de l’encaste Domecq NDLR). Et ce qu’on perd, jamais on pourra le récupérer. Il y a des ganaderias comme Guardiola ou Sanchez Cobaleda qui ont disparu et elles ne reviendront pas. Si la tauromachie continue sur ce chemin, on continuera à disparaître un peu plus et il restera une seule forme de tauromachie.
Quel est le type du toro maison?
Un toro bas, fort, musclé avec une tête normale. Aujourd’hui, les toros doivent être très grands avec beaucoup de cornes, les miens sont normaux. Ils ne sont pas si grand, ni impressionnant de corne. Je peux sortir une corrida comme celles de Pamplona seulement tous les 4 ans.
Cela représente-t-il un problème pour accéder aux arènes de première catégorie?
C’est un problème pour aller dans toutes les arènes parce qu’il y a une chose dont je ne suis pas partisan : les fundas. Je me déclare anti-fundas. Cela suppose donc pour un ganadero comme moi une compétence déloyale parce que les ganaderos qui mettent des fundas, n’ont pas de problèmes avec les pitons et ils fabriquent, comme je dis, des pitons de conception. C’est comme la robe d’aujourd’hui, elles sont toutes pareilles ! Nos pitons sont imparfaits, et moi j’aime la tauromachie imparfaite.
On voit que tous vos toros restent ensemble, ils ne sont pas séparés, pourquoi?
Supposons que j’ai choisi 8 novillos pour un endroit et 8 autres pour une autre plaza. Si il y a un toro blessé, que je dois remplacer par un autre faisant partie d’un autre lot, si ils sont ensemble, ils sont amis, il n’y a pas de problèmes. Mais s’il y a des lots séparés et qu’il y en a un qui change de groupe, il va se battre avec les autres. Donc je laisse le bétail ensemble jusqu’à une semaine de la date avant de les préparer pour l’embarquement.
Chez Prieto de la Cal, il y a une manière différente d’élever le bétail que dans les autres ganaderias non ?
Oui, ici c’est comme à l’ancienne, depuis l’année 1975, c’est la même technique d’élevage : liberté et beaucoup d’espace. On élève nos toros au cheval, on ne met pas de fundas. Tout cela se faisait et il y a toujours eu des bagarres, des cornes cassées, des cornadas. Je le fais par tradition, cela me paraît mal que les toros soient élevés comme des cochoneros (cochons). Je n’aime pas non plus mettre des fundas car le toro est un animal sauvage. Mes collègues qui élèvent les toros avec des fundas pensent que le toro est un animal domestique, c’est un peu la mentalité.
Quels ont été les meilleurs moments de la ganaderia en France ?
Les principaux succès ont été à Bayonne en 1999 et 2000, ils nous ont donné le prix de la meilleure novillada. Après il y a eu des toros isolés : un toro à Arles en 2007, un toro à Vic Fezensac en 2000.
Comment voyez-vous le futur de la ganaderia?
Bien, la ganaderia se porte bien, ce qui est mal est la tauromachie. La fiesta et les empresas. La ganaderia, elle est bien, nous vendons tout ce que nous élevons. Mais à la place de Pedrajas de San Esteban, Lodosa, Andorra, on devrait lidier à Madrid, Seville et Bayonne ou Mont de Marsan. Cela est mal. Mais je ne peux rien y faire. Les empresas devraient au moins venir voir nos toros mais cela, ils ne le font même pas.
Merci à Tomas Prieto de la Cal qui nous a reçu à sa finca avec sa fille et le mayoral !
Propos recueillis par Jean Dos Santos en Juuillet 2017