Il est 19h à Sanlucar de Barrameda, les portes du ruedo s’ouvrent enfin après de longues heures d’attente autour des arènes. Depuis plusieurs jours, la pression n’a cessé de monter dans le petit monde taurin du sud de l’Andalousie. Un jeune homme, Cristobal Reyes, 23 ans et 25 novilladas piquées, a choisi d’affronter des Miura pour devenir matador de toros. Il rentre seul en piste sous l’ovation des tendidos remplis presque au maximum de la jauge autorisée. Quel engouement ! Le torero de Jerez de la Frontera défile aux côtés de Rafaelillo, torero ayant tué le plus de Miura dans l’histoire, et Octavio Chacon, vrai lidiador et ami de Cristobal Reyes. Sous la présidence, et lors d’une théorique minute de silence, le public fête l’événement.
Il est l’heure de faire entrer en piste « Itinerante », un fauve de 595kg et aux cornes levées vers le ciel dont la hauteur et le pelage confirment qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Cristobal Reyes entre en piste capote en main pour réceptionner l’animal avec précaution qui proteste avec violence dès les premières passes. Le ton est donné. La cuadrilla va se retrouver en difficulté après une lidia approximative et un tercio de banderilles difficile à mener. Le toro est sur son terrain, et pour l’instant personne ne peut prendre sa place. Rafaelillo, trastos en main, donne l’alternative à Cristobal Reyes en présence d’Octavio Chacon. Le désormais matador de toros s’en va brinder sa faena à destination du ciel. Pendant ce temps, le toro malmène toujours les banderilleros réfugiés dans les burladeros. Cristobal se montre muleta en main et donne une première série par le bas qui laisse de l’espoir pour la suite. Centre du ruedo, il sert avec sincérité deux bonnes séries droitières qui allument les tendidos. La mayonnaise prend et c’est au tour de la musique d’entrer en scène. Cristobal Reyes n’en perd pas les bases et continue de peser sur l’animal avec autorité et conviction. Il s’essaie à gauche avec un toro moins coopératif, qui retrouve sa violence et sa protestation. Avec la bonne distance, le jerezano tire de bonnes naturelles en restant à la merci du toro. La faena est courte mais efficace. Hélas à l’épée, les choses ne se passent pas comme prévu, et c’est avec un coup de descabello rageur que Cristobal vient mettre un terme à son premier combat dans la classe supérieure. Salut logique avec des regrets faute à une épée défaillante.
Deuxième round avec le sixième, un castaño bragado de 656kg. En sortant du toril, le toro provoque une panique générale avec un comportement difficile à cerner. Il proteste au sol sans remater contre les tablas. Cristobal Reyes revient en piste pour mener son second combat. Après s’être fait désarmer, il mène une lidia de meilleure facture que la précédente. Le toro est un dangereux individu qui sème le trouble dans le ruedo. Abraham Neiro lui place deux grandes paires de banderilles entre les cornes. Il montre la voie au jeune espagnol qui brinde cette fois-ci sa faena au public de Sanlucar. L’animal reste avisé mais Cristobal va réussir à le faire rompre en lui infligeant plusieurs passes de châtiment dès l’entame. Malgré le danger incessant de l’animal, il parvient à donner plusieurs séries de grande valeur. La musique joue à nouveau et le public est attentif. Il termine par une série droitière et un desplante bienvenue qui soulève le public. Il demande l’épée mais doit replacer son toro le temps d’un muletazo. Cristobal Reyes a une oreille dans les mains si l’épée sort concluante. La valeur et l’ambition du garçon sont revues à la hausse. Il se débarasse de sa muleta et se jette dans les cornes de l’animal à cuerpo limpio. Une demi-estocade en place est posée mais Cristobal Reyes reçoit une grosse correction du Miura qui le châtie violemment au sol. Direction l’infirmerie pour l’espagnol qui aura montré un engagement et une justesse dans sa tauromachie que peu de novilleros seraient capables d’afficher aujourd’hui. A matar o a morir !
Rafaelillo hérite pour sa part d’un lot encore plus difficile. La valeur et le courage du garçon ne sont plus à démontrer après 20 ans d’alternative, mais l’après-midi de l’espagnol restera comme un long chemin semé d’embuches. Son premier, un toro avec de la force, s’en va au cheval à 5 reprises. Il sort du tiers de piques grandi et permet dans le dernier tiers. Le torero de Murcia lui sert une faena valeureuse reconnue par des tendidos très aficionados. A l’épée les choses se compliquent avec un animal difficile à estoquer.
Son second, 686 kg sur la balance, un cardeno dans le type de la maison qui est dangereux et avisé. Rafaelillo le fait sévèrement châtier à la pique avant de se lancer dans un combat de titan. Lorsque le torero donne des passes par le bas il est très difficile de l’apercevoir tellement le différentiel toro/torero est important. Tout le métier et l’aguante de Rafaelillo vont venir mettre de l’intérêt à ce dernier tiers. Le toro charge, mais se défend en se retournant au plus près du torero. A plusieurs reprises, Rafaelillo se retrouve face aux cornes de l’animal, à moins de 10cm du visage et du thorax. L’émotion et le danger s’installent en piste. Le torero prend la muleta main gauche pour servir quelques naturelles de qualité d’un grand mérite. Au moment de porter l’estocade, le toro relève la tête pour se placer à hauteur du torero. L’espagnol y va, il se jette sur l’animal et parvient à placer une grande entière contraire qui se révèle efficace. L’oreille tombe logiquement.
Octavio Chacon complète le cartel. C’est aussi un torero local apprécié dans la région. Tout au long de la tarde, Chacon a réalisé un grand travail de chef de lidia bien que ce rôle ne lui était pas destiné. Son sens de la lidia et de la mise en valeur du toro ont offert une réelle satisfaction pour les aficionados « a los toros ». Il mène un travail remarquable face à son premier adversaire du jour qui va au cheval à 3 reprises, chaque fois de plus loin. Octavio Chacon fait les choses bien en tentant de faire briller un toro qui se révèle finalement, pas si brave que cela. Dans le dernier tiers, le toro est menaçant, avec une charge limitée. Le bon début droitier réveille l’inspiration d’un espontaneo musical qui donne, le temps d’une série, une note flamenca à la faena. L’espagnol trace intelligemment des séries courtes et intenses pour une faena globalement bonne. Il se trompe sur la fin en terminant par le haut. Cela lui ajoute une difficulté supplémentaire au moment de tuer avec un toro difficile à fixer. Il finit par trouver la solution et récolte une première oreille méritée.
Son second toro est le plus lourd et le plus impressionnant d’un lot homogène. Une bête de 706kg à la carrure imposante qui sème le doute en piste. Après un tiers de piques où il ne brillera pas, le toro est extrêmement difficile à banderiller. Chacon se charge de la suite. Il trace à l’aide de sa muleta une faena qui met du temps à décoller tellement le toro est complexe et dangereux. Il est difficile à dominer et oblige Chacon doit lui concéder constamment du terrain. A gauche, le toro ne connait pas le voile de la muleta. Il charge au plus près des jambes du torero. Le travail de fond de l’espagnol paye en fin de faena où il parvient à arracher quelques muletazos liés au prix de plusieurs frayeurs. Une faena plus qu’honorable et méritoire qui est récompensée à nouveau d’une oreille.
Un lot de Miura comme nous ne l’avions pas vu depuis plusieurs années. De la race, de la mobilité et de l’endurance pour offrir une après-midi pleine d’émotion. Les pensionnaires de Zahariche ont fait sensation en piste. Ils laisseront un grand souvenir pour une après-midi où l’histoire retiendra que Cristobal Reyes a pris l’alternative face à un lot de première catégorie.
Nous avons vécu une grande après-midi de toros qui termine malheureusement à l’infirmerie pour le nouveau matador de toros Cristobal Reyes. Il est important de saluer le courage et l’abnégation des hommes en piste, matadors comme banderilleros et piqueros, qui ont fourni de gros efforts pour nous offrir l’une des après-midis les plus importantes de la Temporada.
Sanlucar de Barrameda, Samedi 21 août 2021
6 toros de Miura pour
Poids : 596 – 611 – 630 – 686 – 706 – 656
Cristobal Reyes (alternative) : salut et blessure
Rafaelillo : salut et une oreille
Octavio Chacon : une oreille et une oreille
Jean Dos Santos