En ce jour de la corrida de la Beneficencia, le Roi Felipe VI s’était déplacé pour l’occasion tout comme les tendidos qui affichaient le « No hay billetes ». Une corrida événement avec la présence de Morante de la Puebla, El Juli et Ginés Marin devant une corrida de Alcurrucen.
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’on ne fut pas déçu ! Quelle corrida d’Alcurrucen cette après-midi dans les arènes de Las Ventas ! Malgré une présentation très juste, les cornus ont offert une grande après-midi aux aficionados, un peu moins aux toreros qui ont du s’employer pour profiter des qualités de l’encierro. Un lot inégale en terme de comportement, avec des toros souvent réservés, qui se sont dévoilés dans le dernier tiers, notamment les 2° 3° et 5°. Le premier intorréable, le quatrième très noble et le sixième manso avec quelques qualités en fin de faena. Des toros de Alcurrucen qui laisseront un bon souvenir donc, pour une après-midi intense.
Morante de la Puebla n’avait pas commencé la tarde de la meilleure des façons. Face à un animal, certes dénué de caste, le torero de la Puebla n’a pas fait dans la dentelle en expédiant le toro après quelques muletazos. Face à son second, il donna une leçon de toreo, toréant avec lenteur et justesse, faisant lever les tendidos. La noblesse de l’animal lui permit de tracer une faena qui restera comme l’une des plus importantes de cette San Isidro 2022. L’épée le priva de la grande porte.
El Juli pouvait lui aussi espérer un triomphe tant attendu, notamment lorsqu’on additionne la qualité de ses dernières sorties dans les arènes les plus importantes du monde. Malgré un premier adversaire à la charge inégale, parfois violente, le Juli donna lui aussi une leçon de toreo, dans un autre style que Morante, démontrant tout son poder et sa science du toro. Il domina son sujet de bout en bout pour une faena de haut niveau. L’épée est venu priver là aussi le madrilène d’un quelquonque trophée. Mal payé.
Ginés Marin s’employa pour se hisser au niveau de deux figuras incontestables depuis plusieurs décennies. Le jeune matador de toros, qui a déjà triomphé dans ces arènes, a lui aussi montré qu’il était un torero de premier plan. Face à ses deux adversaires, il livra bataille avec deux prestations de qualité où il pesa sur ses adversaires du jour. L’épée le priva lui aussi d’un succès total.
Toro a Toro
Le premier toro d’Alcurrucen est bas, avec un trapio satisfaisant et d’armures favorables. Il est réservé et ne se livre pas. Difficile à approcher, Morante de la Puebla parvient à dessiner quelques bonnes véroniques. 2 piques avec un toro qui met du temps à se lancer. L’animal est réservé et décasté. Morante, qui brinde sa faena au Roi, débute avec l’épée de mort en main. Faena courte sans intérêt conclue laborieusement par le torero de la puebla.
Le second, juste de présentation est un berrendo (blanc et noir) qui est également réservé et se défend sur ses premières charges. Il prend deux piques. Violent et sur la réserve, l’animal n’est pas évident à prendre. El Juli réalise un travail remarquable de domination pour profiter de la charge de l’animal. Il dessine plusieurs séries vibrantes en dominant de bout en bout l’animal. Le Juli contient la fougue du toro et lui distille de bons muletazos sur les deux pitons. Malheureusement, il pinche avant de mettre un 3/4 de lame et un descabello. Quel dommage après une faena de très haut niveau.
Ginés Marin réalise un très bon accueil capotero face à un toro mobile de Alcurrucen. 2 piques. Le toro confirme sa bonne condition dès le début de faena. Ginés Marin le torée parfaitement, variant les passes par le bas et les muletazos longs pour dominer son adversaire. Ses séries sont rythmées et bien construites sous l’ovation des tendidos. Malhreusement, Ginés fait un peu trop durer la faena, et le toro marque un peu le pas sur la fin. L’estocade est en place mais met du temps à faire effet. Descabello requis. Dommage
Le quatrième, juste de présentation, renverse la cavalerie sur la première rencontre mais sort seul sur la seconde. Très pauvre l’implication de Morante de la Puebla dans la lidia de l’animal. Mais dans le dernier tiers, le toro et Morante rentrent vite en communion pour offrir de très haut niveau. Le toro est très noble et Morante parvient à le faire rompre totalement. Il dessine plusieurs naturelles au ralenti et soulève les tendidos. Morante a le dessus sur l’animal et le torée avec une pureté et une entrega non contestable. La faena va a mas, et Morante masque le manque de transmission de l’animal par un esthétique de qualité. Il tue d’une entière portée avec grand engagement, passant proche de la voltera. Malheureusement, l’épée ne fait pas effet et l’espagnol perd les 2 oreilles. D’un seul coup de descabello, il met un terme à ce quatrième acte et obtient une oreille méritée.
El Juli hérite d’un second qui n’est pas tout à fait franc. Le toro prend deux piques sans trop s’impliquer. Le Juli fait face à un animal qui ne se livre pas. Il réalise un bon début de faena où il corrige peu à peu les défauts de l’animal. Il parvient à se le mettre sous le coude et distille plusieurs séries vibrantes sur les deux bords. L’animal perd sa lueur en deuxième partie de faena malgré le bon travail du torero. Epée en main, El Juli est à nouveau en difficulté et perd le crédit de sa bonne faena.
Le dernier toro de la tarde est un manso. Il fuit le combat et est difficile à lidier par Ginés Marin et sa cuadrilla. Le toro prend difficilement 2 piques. Le toro continue de fuir le combat lors du tercio de banderilles et en début de faena. Ginés Marin n’abdique pas et court après l’animal. Il choisit de le toréer près des planches pour garder l’animal près de lui. Il réussit à intéresser l’animal qui se défend et charge avec intensité dans le voile. Ginés Marin en profite pour tirer plusieurs séries de bonne facture, qu’il arrache une à une. La faena prend du poids et le toro se laisse peu à peu toréer. Malheureusement, l’épée vient trahir l’espagnol qui perd à nouveau une oreille en cette fin de corrida.
Madrid, Mercredi 1er juin 2022
6 toros de Alcurrucen pour
Morante de la Puebla : sifflets et une oreille
El Juli : salut et silence
Ginés Marin : salut et salut
Jean Dos Santos