Après presque 10 années passées dans l’anonymat et les galères que beaucoup de torero connaissent, Emilio de Justo s’est révélé aux yeux des spécialistes taurins puis de grand public. Après plusieurs triomphes d’envergures face aux Victorino Martin à Mont de Marsan, Dax ou encore Burgos, l’espagnol s’est ouvert les portes des plus grandes arènes espagnoles. Depuis la dernière temporada, il est le torero que toutes les plus grandes arènes s’arrachent avec à la clé, des corridas bien plus maniables que ce qu’il a pu affronter jusqu’ici.
Madrid comme symbole de renouveau
A Madrid, Emilio de Justo a tout vécu. C’était dans les mythiques arènes de Las Ventas que sa carrière avait pris un tournant dramatique, presque alors rédhibitoire après avoir écouté les 3 avis un 16 mai 2010. Après cela, la sentence fut dure avec plusieurs arrêts à l’arrêt, ou presque.
Son retour à Las Ventas, Emilio de Justo le fera seulement 8 temporadas plus tard après avoir connu de nombreux triomphes. C’était le 10 juin 2018 où il retrouva les toros de Victorino Martin… sans le succès escompté. Sa bonne forme du moment lui permit de s’aligner au paseo de la Féria de Otoño 2018 en fin d’année où il hérita d’un lot de Puerto de San Lorenzo au « Bombo ». (Les cartels étant, cette année là, tirés au sort comme dans le sport).
La consécration après une fin de temporada difficile
En cette fin de Temporada 2018, Emilio de Justo affichait un bilan statistique de haut niveau, avec bon nombre de triomphes importants. Mais fin septembre, alors à Mont de Marsan pour combattre une nouvelle corrida de Victorino Martin, il apprit le décès de son père à quelques heures du paseo. Il honorera tout de même son contrat avec à la clé un triomphe symbolique et une cornada importante à quelques jours de son rendez-vous madrilène.
C’est bien en habit de lumière mais légèrement diminué que l’espagnol se présenta une semaine plus tard à Las Ventas où il coupa une oreille de chacun de ses adversaires de la Ventana del Puerto.
Une Temporada 2021 historique
Le triomphe de 2018 ouvrit les portes d’un nouveau monde à Emilio de Justo : celui des figuras et des toros jugés plus « faciles ». Un circuit à part pour un torero qui est passé d’une petite quinzaine de contrats à une temporada de quarante corridas formelles. Même s’il ne rechigne pas au moment de combattre des corridas de Victorino ou Adolfo Martin, Emilio de Justo s’impose aujourd’hui comme l’une des toreros du moment. C’est donc naturellement qu’il marqua son retour à Las Ventas post-pandémie (le 4 juillet 2021) par un mano a mano avec Antonio Ferrera face à un sérieux lot de Victoriano del Rio.
Verdict : il ne laissa rien à son opposant du jour et s’offrit une seconde sortie a hombros en coupant 3 oreilles de son lot.
A Otoño, il se retrouva encore au cartel, cette fois-ci aux côtés du Juli. La maestro madrilène coupa une oreille au premier toro de la tarde pour donner le ton. Après un premier combat sans histoire, Emilio de Justo se présenta face au cinquième toro de la tarde, un exemplaire de Domingo Hernandez qui repartira sans oreille à l’arrastre.
En 2021, Emilio de Justo aura effectué deux paseos à Las Ventas pour un bilan de 5 toros estoqués, et 5 oreilles coupées. Sans contest le torero de la Temporada Ventaña 2021 !
Une encerrona pour 2022, au prix de quels risques et pour quoi faire ?
A quelques semaines de l’annonce des cartels de ce début de Temporada 2022, Plaza 1 a annoncé qu’Emilio de Justo, affrontera en solitaire six toros. Ce sera le Dimanche des Rameaux, le 10 avril 2022. Un geste qui pose des questions quand on sait dans quel moment se trouve le torero espagnol.
Plusieurs toreros se sont déjà cassés les dents avant lui. Que ce soit Ivan Fandiño (2015), Alejandro Talavante (2013) ou encore Daniel Luque (2010), tous avaient payé au prix fort leur échec dans cet exercice si difficile et si particulier. Seul Antonio Ferrera ses dernières années (2019/2021) n’a pas subi la dure loi de ces résultats : tout d’abord puisqu’il triompha en 2019 (pas en 2021) mais aussi car il est à un stade bien plus avancé de sa carrière si l’on compare aux trois cités précédemment. Que ce soit Fandiño, Talavante ou Luque, ils avaient tous cette soif de triomphe pour accéder au rang suprême de « figura del toreo ». Se mettre en danger, sortir de sa zone de confort, mais surtout marquer l’histoire, beaucoup ont échoué.
Concernant Emilio de Justo, on peut penser qu’un triomphe l’installera au sommet de la tauromachie actuelle aux côtés d’un Roca Rey ou de inatteignable génie Morante de la Puebla. Une tauromachie qui se cherche de nouvelles vedettes avec le départ de Enrique Ponce, José Tomas ou Sébastien Castella, et le déclin du Juli, José Maria Manzanares ou Miguel Angel Perera, qui ne sont plus au niveau où on les a connu.
A quoi d’attendre lors de cette encerrona ?
Tout fraîchement annoncée, cette encerrona reste pour le moins alléchante même s’il manque aujourd’hui beaucoup de paramètre pour placer le curseur de ce grand défi. Quel jauge autorisée ? Quelle(s) ganaderia(s) à affronter ?
Ce sont déjà deux paramètres primordiaux qui donneront le ton à cet événement. On le sait, une arène de Las Ventas pleine peut nous faire vivre des souvenirs uniques, que ce soit en bien ou en mal. Les efforts du torero seront reconnus sans aucun doute, et il serait dommageable de voir une jauge autre que 100%.
Concernant les ganaderias, il est dans l’intérêt de tous de pouvoir varier les encastes et éviter alors de tomber dans la monotonie. Très peu de toreros sont aujourd’hui capables de proposer différentes formes de tauromachie. Malgré les grandes qualités que démontrent Emilio de Justo, son style classique et élégant ne lui permettent pas aujourd’hui de varier à l’infini son toreo. Les différents encastes pourraient apporter ce lot de variété qui définissent la tauromachie, et dont elle manque cruellement en ce moment.
Une chose est sûre, c’est avec impatience que nous attendons ce grand défi que nous propose Emilio de Justo et Madrid. L’issue de cette corrida sera déterminante pour la suite du torero et cela donne une plus-value importante au défi qui attend le torero. On se donne rendez-vous le 10 avril au soir, pour savoir si Emilio de Justo sera entré dans l’histoire de la tauromachie !
Jean Dos Santos