Cristobal Reyes est un torero andalou né à Jerez de la Frontera en 1997. L’homme, tout comme le torero, se distingue par son caractère atypique. Admirateur des maestros d’autrefois, il s’est forgé un rêve de carrière en visionnant de vieilles cassettes. À contre-courant de la majorité des toreros andalous actuels, souvent portés par l’élégance plus que par le goût du combat, Cristobal préfère affronter le toro bravo sans jamais rechigner.
C’est à Rion-des-Landes que je l’ai découvert, lors des novilladas sérieuses de la famille Fraile via le fer de Valdefresno. Ce jour-là, il a coupé trois oreilles de poids et brillé dans les trois tercios, évoquant ces toreros d’antan qui faisaient vibrer les arènes à chaque instant de la lidia. Un autre aficionado, Christian, passionné depuis plusieurs décennies, l’a également remarqué quelques jours avant dans les arènes de Roquefort. Touché par son talent et son isolement, il décide de lui apporter son soutien en devenant son apoderado. Mais la personnalité de Cristobal, à la fois attachante et imprévisible, met à rude épreuve son nouveau mentor. Avec son caractère flamenco, Cristobal offre autant de moments de génie que d’épisodes plus difficiles à gérer.
Les débuts en novillada piquée

En 2018, Cristobal débute en novillada piquée dans les arènes de Riscle face à six novillos du Marqués de Albaserrada. Le lot se montre compliqué, sans grande possibilité de triomphe, mais il dévoile chez Cristobal un goût certain pour la lidia. Toutefois, les aficionados sont parfois trop exigeants avec les jeunes toreros qui affrontent d’emblée des encastes minoritaires et exigeants.
La progression se construit novillada après novillada. À Guadarrama, dans la Sierra de Madrid, Cristobal montre toute l’étendue de son talent en coupant deux oreilles à des novillos de Adelaida Rodriguez, qu’il reçoit à puerta gayola avant de briller dans les trois tercios. Ses prestations dans les férias de Villaseca de la Sagra et Calasparra ne passent pas inaperçues. Pourtant, l’épée le prive de quelques triomphes, malgré des prestations encourageantes. Améliorer cette suerte n’est pas simple lorsque les portes des ganaderias restent fermées l’hiver et que les opportunités sont trop rares.
L’alternative : un défi face aux Miura

Les doutes et les questionnements s’accumulent. Après trois ans en novillada piquée, Cristobal se demande : « Et après ? ». « Je veux être torero, je ne sais faire que ça », confie-t-il. Puis survient la pandémie de Covid-19, compliquant encore la situation. Alors que les grandes arènes peinent à reprendre leur activité, Carmelo Garcia, empresario de plusieurs arènes andalouses, récupère un lot de Miura destiné à la Féria del Toro de Pamplona. C’est alors que Cristobal lance son pari fou :
« Je veux prendre l’alternative devant des Miura. Peu de toreros peuvent se vanter de ça. Moi, je vais le faire. »
L’événement est programmé à Sanlucar de Barrameda, le 28 août 2022, et sera télévisé par Canal+ Toros. Quelques jours avant, Cristobal s’entraîne chez Cebada Gago. Le test est décevant : le toro manque de race, et le plein de confiance pas totalement optimal.
Le jour de l’alternative, sous une chaleur écrasante, Sanlucar bruisse d’inquiétude. Dans les bars taurins, les conversations tournent autour du défi insensé de Cristobal : « Il est fou », « J’espère qu’il va s’en sortir », entend-on partout.

Malgré cette tension ambiante, Cristobal arrive aux arènes avec calme et détermination. Son premier adversaire, Itinerante, un Miura de 595 kg, confirme la difficulté du pari. Cristobal mène une lidia pleine de courage et de toreria, mais l’épée l’empêche de triompher. Le second toro, plus défensif que combatif, finit par éteindre peu à peu la flamme de la faena.
Dans un coup de sang, Cristobal se jette sans muleta entre les cornes du dernier Miura de 656 kg, tentant un ultime coup de poker. L’animal tombe dans des délais honorables, mais Cristobal termine sa journée à l’hôpital, le cœur lourd.
Cenicientos : chemin vers la lumière

Contraint de travailler en dehors des arènes pour survivre, Cristobal ne baisse pas les bras. Son acharnement finit par payer. Les organisateurs de la Féria de Cenicientos, réputée pour ses toros d’exception, lui offrent une nouvelle chance en 2023. Face aux toros de Partido de Resina, il se donne le droit d’être répété l’année suivante. Le 15 août dernier, Cristobal affronte les toros de Saltillo, un véritable tournant dans sa carrière.
Le troisième toro, Cafetero, montre des qualités évidentes dès sa sortie en piste. Après l’avoir reçu à puerta gayola, Cristobal mène une lidia complète et spectaculaire. Brave, le toro renverse le cheval à deux reprises. Mais cette fois, Cristobal garde son sang-froid et tout s’enchaîne parfaitement : une estocade efficace, deux oreilles et la reconnaissance unanime des aficionados.
Un immense soulagement pour le torero andalou, qui voit enfin la lumière au bout du tunnel. L’Espagne lui ouvre à nouveau ses portes : il confirmera son alternative à Madrid en avril, face aux mêmes Saltillo. La France l’attend également à Céret et à Saint-Martin-de-Crau, où il affrontera les redoutables José Escolar.
2025 pour récolter les fruits de son succès

Toujours avec le soutien de Christian Lamoulie, Cristobal Reyes poursuit désormais sa route avec l’appui important du torero et empresario mexicain « El Conde ». Cet hiver, c’est une série de plusieurs corridas qui l’attendent outre-Atlantique pour continuer d’acquérir de l’expérience et obtenir des succès importants. Ce sera donc avec des certitudes et le rythme des paseos qu’il abordera son début de Temporada européenne.
Mais pour Cristobal Reyes, le rêve ne fait que commencer. Désormais, toutes les portes semblent s’ouvrir, et son ambition ultime reste encore à conquérir : triompher à Las Ventas et inscrire son nom dans la grande histoire de la tauromachie. Car, comme on le dit souvent dans le Mundillo : « Le toro te met toujours là où tu dois être. »
